Monsieur Wirth, comment se porte le système de prévoyance suisse?
Sur le principe, nous disposons d’un système remarquable, qu’il est toutefois plus facile de développer que d’adapter à l’évolution de la situation. Nous y sommes en particulier obligés à propos de l’AVS. Une révision en profondeur doit être effectuée et adoptée par le peuple d’ici 2030. Il ne nous reste donc plus que dix ans.
La Suisse est-elle en retard par rapport à d’autres pays?
Oui. La raison principale est la difficulté d’augmenter l’âge de la retraite. De nombreux pays nous ont devancés sur ce point. Pourtant, la gauche se crispe et les citoyens n’ont pas tellement envie de prendre leur retraite plus tard. Ces hésitations pourraient avoir d’amères conséquences.
Qu’est-ce qui pose le plus de problèmes avec notre système?
Dans le cadre de l’AVS, soit le 1er pilier de notre système de prévoyance, il s’agit de la combinaison de deux tendances, qui s’engagent ensemble dans la mauvaise direction du point de vue des finances AVS: lors de l’entrée en vigueur de l’AVS, les retraités pouvaient espérer percevoir leur pension de retraite pendant 13 ans. Aujourd’hui, nous en sommes à 24 ans. Parallèlement, la relève fait défaut pour alimenter le système par répartition avec ses cotisations. Au lieu des 2,5 enfants par femme dans les années 1940, la natalité a baissé à 1,5. La différence est énorme.
«Etant donné l’urgence des problèmes, les réformes proposées ne sont qu’une politique de rapiéçage.»
Le même constat s’applique-t-il à la prévoyance professionnelle?
Le 2e pilier est également concerné par cette évolution, mais dans une moindre mesure. Si nous avions un système flexible, suivant les fluctuations de l’espérance de vie et du rendement du capital, ce système serait toujours équilibré. Cependant, la LPP impose un taux de conversion fixe et une garantie de performance. Une redistribution massive en est la conséquence. Les pertes doivent être couvertes par une redistribution étrangère au système. Et nous ne sortirons que difficilement de cette situation. La redistribution est un piège.
Qu’il s’agisse de l’AVS ou de la LPP, les valeurs de référence des prochaines révisions sont disponibles. Qu’apportent-elles?
Etant donné l’urgence des problèmes, les réformes proposées ne sont qu’une politique de rapiéçage. Pour l’AVS, l’âge de la retraite devrait être relevé à 67 ans. Ce point de vue est de plus en plus largement admis, mais sans aucun effet. Le Conseil fédéral n’en a pas le courage et les partis encore moins. Comme une réduction des prestations est hors de question, les problèmes doivent être résolus au travers du seul volet financier, à savoir des cotisations, des subventions et des impôts plus élevés. Les jeunes sont finalement obligés de payer pour les générations du baby-boom.
Que pouvons-nous apprendre des autres pays?
Nous pouvons par exemple examiner le cas de la Suède où les prestations sont couplées à l’espérance de vie et au rendement du capital. Ce système ne semble pas applicable en Suisse. Nous avons su être innovants autrefois. Aujourd’hui, nous sommes figés.
Que va-t-il se passer si nous ne faisons rien?
Sans révision, le 2e pilier devrait tenir le coup pendant un certain temps encore. Grâce au principe d’imputation, les caisses de pension peuvent continuer à baisser leur taux de conversion. A l’heure actuelle, la moyenne se situe déjà en dessous de 6 %. Les caisses LPP sans prestations surobligatoires doivent recourir à des hausses des cotisations.
Et avec l’AVS?
La situation est dramatique. Elle souffre de l’énorme différence entre recettes et dépenses à venir. Le résultat de la répartition est d’ores et déjà largement négatif et se détériore d’année en année. Parallèlement, elle bénéficie d’un tel soutien de la part de la population, qu’il est inimaginable qu’elle soit menacée.
Vorsorgeforum
Fondé en 1989, le Vorsorgeforum est une plateforme réunissant des institutions de prévoyance de droit privé et public. Diverses organisations de partenaires sociaux, l’Association suisse des institutions de prévoyance, plusieurs experts des caisses de pension, l’Association suisse d’assurances et l’Association suisse des banquiers en font partie. Leur objectif principal est d’améliorer la connaissance du 2e pilier. L’économiste bâlois Peter Wirth en assume la présidence depuis le début.